Où le destin de Georges Duhamel croise ceux de Philippe Neel et Marguerite Arboux-Fischbacher durant la Première guerre mondiale.

portrait de Blanche conservé par Marguerite

D'après "La Pesée des âmes", tome IV de "Lumières sur ma vie", Le Mercure de France, 1944-53.

********

*****

**

Philippe Neel (1882-1941) se serait engagé volontairement comme médecin aide-major de seconde classe à l'hôpital Begin de Saint-Mandé (en lisière du bois de Vincennes) en Août 1914. La mobilisation générale des armées françaises a lieu le 2 Août 1914.
Ancien interne des hôpitaux de Paris, il y retrouve le médecin et écrivain Georges Duhamel (1884-1966) qu'il connaît de nom et estime. Une longue amitié commence.
Ils travaillent aux côtés du Dr Picqué, chirurgien des hôpitaux de Paris. Nommés tous les deux par décret en Septembre 1914, ils obtiennent leur grade, leur solde et reçoivent en Octobre 1914, toujours à l'hôpital Begin, les blessés de ce qu'on appelle alors la première bataille de la Marne, gagnée par les Français. C'est lors de cette bataille que Michel Arboux (1889-1914), frère cadet de Marguerite, jeune avocat et lieutenant d'infanterie, trouve la mort le 25 Septembre. Charles Péguy et Alain-Fournier sont également tués lors de cette bataille.
Philippe est à l'époque le gendre du Dr Jacques Langle, qui a épousé en secondes noces Rachel Douin, la mère de Monique Cotard, épouse de Philippe.
"Excellent homme qui n'était pas sans crédit à la direction du service de santé militaire, où il se trouvait nanti de quelques fonction", le Dr Langle est instruit du désir de Philippe Neel et de Georges Duhamel de partir aux armées.
Il est même question qu'ils fassent l'expérience, malgré leur manque de connaissance militaire, d'une ambulance toute nouvelle qui devait employer deux chirurgiens, deux assistants et deux médecins auxiliaires. Philippe et Georges sont pressentis comme assistants.
Début Novembre, ils quittent ensemble le Dr Picqué en convoi pour le front d'Artois. Georges est nommé assistant ordinaire de "M***", chirurgien parisien entouré d'une certaine légende à l'époque et inventeur de cette ambulance appropriée aux actions de la guerre moderne et souvent imitée. Georges Duhamel vivra bientôt la faveur de cette nomination auprès du chef de l'ambulance comme une disgrâce.
Philippe Neel seconde l'autre chef d'équipe, Hallopeau, fils d'un vieux dermatologiste, "un garçon noir, maigre, le verbe réservé, l'air funèbre" selon Georges Duhamel.
Après être passés à Beauvais (Oise) et Caen-l'Amiénois (Somme), ils s'établissent dans un grand parc, près d'un château vide à Avesnes-le-Comte (Pas-de-Calais). Des lits de fer sont disposés dans le château. Sitôt la tente opératoire montée devant la porte principale, les blessés arrivent.
Mais bientôt, la rupture est consommée entre d'une part Philippe et Georges et d'autre part "M***", qui fait de fréquents allers-retours entre Avesnes-le-Comte et l'état-major à Paris, délaissant l'ambulance au gré de sa fantaisie. Les deux assistants dèsapprouvent les méthodes autoritaires de "M***".
"Philippe, avec qui j'avais des entretiens enflammés, ne me cacha point qu'il avait alerté son beau-père auquel il adressait, chaque jour, des lettres pressantes. L'effet de cette correspondance fut d'ailleurs bien sensible. M*** revint de voyage, nous tint des propos véhéments, aperçut les mains de Philippe. Elles pelaient sous l'action de l'alcool iodé, dont nous faisions grand usage. Il s'écria tout aussitôt :
- Vous avez la scarlatine. Voyez : vous desquamez ! Je vais vous évacuer.
Il voyait en Neel, sans doute, l'un des auteurs d'une disgrâce pour lui fort à craindre. Nous resistâmes un moment au furieux. Mais il fit venir une voiture d'ambulance et Philippe dut nous quitter. Ce fut un déchirement.", écrit Georges Duhamel, qui reste à Avesnes avec les deux médecins auxiliaires, Jacques Langle (le fils du beau-père de Philippe, qui s'appelle donc aussi Jacques) et Pierre Millet.
Hallopeau et Millet seront bientôt évacués à cause de la scarlatine.
Au bout de deux mois, Georges Duhamel et Jacques Langle sont rappelés à Paris. Le castel d'Avesnes-le-Comte est vidé, les blessés expédiés ou pris en charge par une autre ambulance.

Début 1915, la Direction du service de santé affecte provisoirement Georges à l'hôpital Bégin, où il retrouve le Dr Picqué. Georges partage son temps entre l'hôpital et son appartement au 5ème étage d'une maison de la Rue Vauquelin, sur la montagne Sainte-Geneviève, où il retrouve son épouse Blanche.
Philippe Neel devient médecin d'un groupe d'artillerie.
"Il sera, dans les temps qui viennent, blessé d'un éclat d'obus à l'avant-bras. Il ne me laisse pas sans nouvelles. Il m'envoie des lettres lyriques. Pour tout le temps de la guerre, j'ai perdu ce bon compagnon. Mais j'ai gagné une amitié qui m'accompagnera, fidèle, jusqu'au drame de sa fin.. Car la fin de Philippe, survenue pendant la Seconde guerre mondiale, fut, à mon regard de témoin impuissant, un drame très douloureux que je raconterai peut-être, un jour futur, pour l'enseignement des vivants, s'ils veulent bien être enseignés.
Ils apprendront ainsi que le médecin le plus intelligent et le plus attentif est sans défense devant les illusions et les sortilèges de la mort."
Philippe sort alors du récit de Georges Duhamel.

Avec sa famille, Philippe fera en 1915 la connaissance à Lourdes du Dr Lassègue, un médecin landais venu lui aussi soigner des blessés de guerre à l'arrière. Philippe et Monique Neel prendront également soin de Marise Fischbacher (fille de Marguerite Arboux et de Charles Fischbacher), âgée de 7 ans, qui souffre d'une grave crise d'eczéma.
Georges Duhamel poursuit sa tâche à l'hôpital Begin. Le Dr Picqué est nommé pour l'armée d'Orient et mourra plus tard, à Rome, sur le chemin du retour.
Au mois d'Avril 1915, Georges Duhamel doit gagner Noisy-le-Sec et la réserve du personnel d'une armée qui tient les lignes en Champagne, devant Reims. Il est bientôt affecté à l'ambulance chirurgicale du Premier corps d'armée, composé d'une majorité de Normands, qui se trouve sur la Vesle, sur les hauteurs de Nogent-l'Abbesse. Il y cotoie le Dr Albert Martin.
La guerre de position s'établit durant l'été 1915. Georges entretient une correspondance avec ses amis ("Philippe Neel, après sa blessure occupe un poste à l'arrière") et profite de rares permissions pour voir Blanche, notamment à Epernay.
En Septembre 1915, de grandes attaques reprennent. Duhamel termine l'année sur les collines de Vesle.
Le corps d'armée tout entier fait mouvement en Février 1916 vers Epernay puis Verdun. L'année 1916 est la plus terrible du point de vue de Georges Duhamel. Le canon tonne à Verdun deux semaines durant, faisant un nombre considérable de blessés à soigner dans des conditions déplorables et sous le feu de l'artillerie.
Pour accéder aux blessés, il faut souvent quitter les lignes, gagner des routes surmenées, parfois traverser la Meuse. Avec son camarade Vallée, sous les ordres d'Albert Martin, Duhamel ne dort quasiment pas pendant deux semaines.
Le corps d'armée se rabat bientôt sur Glorieux, puis Baleicourt, plus calme, fonctionnant comme poste de secours de seconde ligne.
Le Premier corps d'armée, bientôt relevé par le Troisième, fait ensuite route vers Vitry-le-François, remonte le front de Champagne, traverse les paysages de la Marne, gagne Dormans, Oeuilly, Port-à-Binson. Duhamel retrouve Blanche à Epernay, puis fait mouvement vers Courville et Fismes.
Ayant moins de blessés à soigner, Georges Duhamel profite du printemps 1916 pour rédiger sous un nom d'emprunt les récits qui formeront le livre "Vie des martyrs" et qu'il fait parvenir au Mercure de France. Blanche recopie chacun des chapitres et les transmet à l'éditeur Alfred Vallette. Le livre est attendu pour l'automne 1917, mais ne paraîtra que neuf mois plus tard.
Le temps de repos prenant fin, le corps d'armée se rend à Villette, aux portes de Fismes pour équiper un véritable hôpital en vue de grandes attaques attendues ou préparées.
En Juillet 1916, tout le corps d'armée est appelé vers la Somme, où une grande bataille vient de commencer. Il s'établit à Fouilloy, en face de Corbie. Duhamel est bientôt appelé à Péronne, où les blessés sont amenés depuis la ligne de front. L'ambiance de fournaise rappelle Verdun, mais cette fois, ce sont les Français qui mènent l'offensive et c'est l'été. Etabli pour longtemps, Georges rappelle Blanche qui s'établit à Amiens.
En Septembre 1916, Duhamel est rappelé par l'ambulance 9/3 qui est débordée de besogne. Il retourne à Fouilloy, à la cote 80, "le balcon de l'enfer".. Blanche regagne Paris à l'automne.
En Octobre 1916, après une permission, il regagne la Champagne. Il souffre d'une dyssentrie contractée à la cote 80. L'ambulance 9/3, entre-temps, s'est établit à Somme-Bionne. Albert Martin est toujours à ses côtés.
Soigné par ce dernier, Duhamel reçoit bientôt la visite du directeur, M. Bernard, flanqué d'officiers, qui lui parle de "Vie des martyrs" dont il a pris connaissance de certaines épreuves. Le général du corps d'armée veut même parler de ce livre à ses chefs, semble-t-il. Bref, les écrits provoquent un évènement. Bernard recommande même à Duhamel de retirer un chapitre. Non seulement Duhamel suivra ce conseil, mais sera déterminé à pousser la composition de son second volume de récits.
Sa convalescence achevée, Georges Duhamel est informé qu'il doit suivre pendant deux mois à Châlons-sur-Marne un stage de perfectionnement dans un service de chirurgie. Il quitte son chef, Albert Martin, devenu son ami, qu'il côtoie depuis près de 19 mois.
Châlons est alors une des capitales de la guerre. Les états-majors y élaborent leurs plans. On y instruit les officiers aux nouvelles disciplines. On y procède à d'incessants groupements de forces et à leur répartition. On y traite les blessés et les malades.
Georges Duhamel est affecté au service du Dr Antonin Gosset, médecin principal de seconde classe, qui dirige un considérable service de chirurgie à l'hôpital Corbineau. L'estime est réciproque.
Le Dr Gosset "appartient à cette cohorte de praticiens illustres qui, frappés par les erreurs de la France encyclopédiste et par sa défaîte en 1870, s'étaient jetés d'abord dans la spécialisation avec une sorte de rigueur furieuse (...) En chirurgie, il cherchait sans cesse et ne reculait pas devant l'expérience des nouveautés."
Gosset propose à Duhamel de rester à Corbineau et de jouir d'une situation confortable, mais Duhamel refuse. M. Bernard lui propose par ailleurs de passer médecin du quartier général du Premier corps. Duhamel refuse également, pour mieux retrouver son ambulance et Albert Martin après deux mois d'absence. En Janvier 1917, l'ambulance vient de quitter Somme-Bionne pour Somme-Tourbe, toujours sur les collines de Vesle. Martin et Duhamel demeurent les seuls témoins de l'année 1915.

 

Ce début d'année 1917 est marqué par un hiver terrible. Le thermomètre descend jusqu'à -20°C. Le froid aggrave l'état des blessures, des dommages des infections liées aux projectiles. Martin en permission, Duhamel reste parfois seul responsable de l'ambulance et doit lutter contre une série d'incendies qui ravagent les bâtiments occupés par l'ambulance.
Duhamel travaille aux premières esquisses de "Civilisation". Son éditeur lui écrit régulièrement. Le premier tirage de "Vie des martyrs " est prévu à 1500 exemplaires, mais sera soumis à une légère censure.
En Février 1917, les Etats-Unis d'Amérique entrent progressivement en guerre (Pershing prendra le commandement des forces à partir d'Avril). "La nouvelle nous soulagea sans toutefois nous enivrer".
Duhamel reçoit bientôt un ordre inattendu. Il est nommé chef de l'équipe chirurgicale dans un autochir en formation et doit gagner Aubervilliers.
Les autochirs sont des ambulances non rattachées à telle ou telle unité combattante, mais propres à être dirigées là où peut se faire sentir le besoin d'équipes outillées et capables.
Cette nouvelle le consterne. Il envoie au directeur, M. Bernard, une lettre demandant qu'on le laisse à son poste, auprès de ce Premier corps d'armée qu'il a suivi pendant près de deux ans. Mais ces efforts sont vains : l'ordre provient du quartier général et il doit obéir. Il ne tarde pas à découvrir que cette mutation inattendue résulte des notes données par le Dr Gosset à l'issue de son stage.
Quittant la Champagne à regrets, Duhamel gagne Aubervilliers, faubourg usinier de Paris où se tient la réserve du personnel. A Paris, il retrouve Blanche qui est enceinte. Dans les bureaux d'Aubervilliers, il rencontre le Dr Pierre Mauriac, frère de François, qui lui présente son nouveau chef, Charles Viannay.
Charles Viannay est un chirurgien de l'école lyonnaise, établi avant la guerre à Saint-Etienne. En forêt de Compiègne, Viannay reçoit bientôt tous ses pouvoirs, tous les papiers nécessaires à la formation de l'autochir qu'il va diriger pendant près de deux années.
Etabli à Ressons-sur-Matz, à huit kilomètres des lignes allemandes, l'autochir est organisé par Viannay. Il comporte bientôt quatre équipes chirurgicales. Duhamel se retrouve chef de l'une de ces équipes, avec un assistant, un médecin auxiliaire et bientôt, des infirmières.
"Dès les premiers jours, il m'apparut que ces ambulances nouvelles représentaient, dans le service de santé, une sorte d'aristocratie et devaient, naturellement, supporter l'envie et les critiques des ambulances à l'ancienne mode".

Duhamel reçoit bientôt son second galon, ce qui lui apporte un surcroît de solde. Tandis que "Le Feu", le journal d'escouade d'Henri Barbusse, est publié et connait un grand retentissement, son éditeur Vallette a toutes les peines du monde à faire paraître "Vie des martyrs".
La révolution russe fait l'objet de maintes réflexions. Le régime tsariste de Nicolas II s'effondre.  Le bruit commence à se répandre que les Allemands font retraite vers le nord-est, ce que confirment les ballons d'observation ("les saucisses").
Le 25 Mars, Duhamel reçoit les trois premiers exemplaires de sa "Vie des martyrs". Le livre est tout de suite connu, mais le premier tirage est trop faible. Ce livre sera traduit par la suite dans 25 langues et interdit par les Allemands durant la Seconde guerre mondiale, dès 1941.
Fin Avril 1917, le long convoi de l'autochir, qui constitue une vingtaine de voitures, quitte le pays d'Oise pour la vallée de l'Aisne et vient s'installer à Soissons, désertée par ses habitants et livrée aux soldats. Georges Duhamel a le sentiment d'entrer dans "la période industrielle de la Première guerre mondiale".

Le 11 Mai, il apprend la naissance de son premier fils, Bernard, ce qui lui vaut une permission exceptionnelle à Paris. De retour à Soissons, il retrouve l'autochir dans une fièvre de labeur. C'est l'été. "Nous vivions alors dans un vertige de chaleur et de fatigue".
L'été 1917 est marqué par des mutineries. "C'est au général Pétain que l'Histoire attribue le mérite d'avoir apaisé ces troubles pour nous si déchirants".
A la mi-Juillet, Duhamel reçoit l'ordre de rejoindre Saint-Dizier avec toute son équipe, en prévision des grandes offensives dans la région de Verdun. L'autochir s'établit dans un hôpital en bois, à Souilly, où les équipes soignantes font les trois huit. "J'y reviens : nous en étions à copier les coutumes de l'industrie".
Duhamel retrouve Jacques Langle (fils), ainsi que Philippe Neel, mais furtivement. "Nous n'avions pas cessé de correspondre et d'échanger nos pensées, nos sentiments, nos pronostics sur la marche de notre monde misérable".
Le Mercure de France fait presser un second tirage de "Vie des martyrs", tandis que Duhamel poursuit les épreuves de "Civilisation", qui paraîtra au printemps 1918.
L'autochir quitte la Meuse et regagne Soissons au début de Septembre 1917. Duhamel expérimente les premières transfusions sanguines. Au cours de cet automne, il continue de souffrir de laryngites exténuantes, mais achève les récits de "Civilisation". Au cours d'une inspection à Soissons, il rencontre Pétain, qui a remplacé Nivelle à la tête des armées françaises depuis Mai 1917.

Le mois de Janvier 1918 débute par une période d'accalmie. En Février, Duhamel apprend par les journaux la déclaration de paix entre l'Allemagne et la Russie. C'est le traité de Brest-Litovsk.
L'autochir est envoyé en Champagne, à Bouleuse, hameau du Rémois. Duhamel corrige les premières épreuves de "Civilisation", dont la parution est imminente et ébauche son futur livre, "La Recherche de la grâce". En Décembre 1917, "Vie des martyrs" n'a obtenu qu'une seule voix lors de l'attribution du prix Goncourt. C'est "Le Feu" qui a obtenu le prix. Il signe également de son nom une chronique par semaine dans le journal "L'Eclair", sans subir les réprimandes de ses supérieurs.
Paris bombardé par la "grosse Bertha" et par les avions, Blanche Duhamel part s'installer avec sa soeur Juliette qui est enceinte à Maurepas, à l'ouest de Paris.
L'autochir rallie bientôt le bourg d'Ognon, dans l'Oise, et s'installe dans un château.
Atteint d'angine et d'une sinusite maxilaire, Georges Duhamel est évacué par Viannay vers Creil, puis le Val-de-Grâce, au service des Fiévreux, en Avril 1918. Il y passe deux semaines, rejoint par Banche, qui fait la navette entre Maurepas et la gare Montparnasse. Soigné par le Pr Luc, puis par le Pr Chauffard, ce dernier s'exclame : "Qu'on lui donne la chambre du général ! " lorsqu'il reconnaît l'auteur de "Vie des martyrs".
Georges Duhamel entame un mois de convalescence à Maurepas avec sa famille et regagne son autochir en Mai.

"Civilisation" paraît enfin, toujours signé sous le pseudonyme de Denis Thévenin, mais pas soumis à la censure.
Blanche et Juliette, qui a accouché d'une petite Marise, partent pour le Vivarais, à Saint-Julien, près du mont Pilat et de Saint-Etienne.
Duhamel retrouve l'autochir à Catenoy, près de Clermont-en-Beauvaisis, puis à Dormans (Marne) et à Mesgrigny (rive gauche de la Seine). Charles Viannay l'y attend. La fin du printemps et le début de l'été sont absorbés par un travail sans hâte. Duhamel travaille à la rédaction d'une chronique qui paraîtra en 1919 sous le titre "Entretiens dans le tumulte" qu'il envoie à "L'Eclair".
En Septembre 1918, bénéficiant d'une permission, Duhamel voit à Paris tous les membres de sa famille que les évènements de Juin n'ont pas dispersés. Il rejoint son épouse pendant une semaine à Saint-Julien. Blanche envisage d'aller rejoindre sur la côte basque une amie qui l'appelle et qui n'est autre que Marguerite Arboux-Fischbacher (1882-1953).
"Civilisation" commence à rencontrer un franc succès.

Le 1er Octobre, la Bulgarie demande la paix. C'est aussi dans ce sens que l'Allemagne commence à faire des propositions sérieuses. Sur le terrain, la grippe espagnole est à son apogée et  fait des ravages.

Le 10 Octobre, tandis que Viannay est nommé chevalier de la Légion d'honneur, Guillaume II abdique et cède la place au chancelier Max de Bade. La République de Weimar verra bientôt le jour.

Fin Octobre, l'Autriche capitule à son tour. C'est la fin progressive de l'empire austro-hongrois. Le 11 Novembre est enfin signée l'armistice à Réthondes, par le maréchal Foch.
Georges apprend la mort de Guillaume Apollinaire, blessé en 1916 et finalement emporté par la grippe espagnole.
Depuis le milieu d'Octobre, Blanche et son fils sont sur la côte basque, à Bidart. Georges les rejoint la première semaine de Décembre et y fait la connaissance de Marguerite Arboux-Fischbacher.
"C'était une amie de Philippe et Monique Neel. Par eux, Blanche l'avait connue et, l'ayant connue, elle l'avait reconnue, elle l'avait saluée comme une de ces âmes d'élite qui ne sont pas innombrables dans la course d'une vie.
Elle dirigeait là pour le service de la Croix-Rouge américaine, une maison où se trouvaient recueillis et soignés des enfants infirmes éloignés de Paris à l'heure du péril.
Blanche avait pu louer, non loin de la Maison des enfants, à l'endroit même où la rivière Ouabia se jette dans l'Océan, une maison comfortable où nous avons laissé de biens chers souvenirs (...)"
C'est là que Georges Duhamel apprend que "Civilisation" a reçu le Prix Goncourt 1918.
C'est là aussi que Marise Fischbacher s'occupera, entre autres enfants, du petit Bernard Duhamel, qui deviendra à son tour médecin.
De retour à Paris, après 50 mois de service, avide de relève, Georges repart encore pour Mesgrigny. Son ouvrage "La Possession du monde" est prévu pour Janvier 1919. En Janvier justement, il rejoint Saint-Etienne et l'hôpital de Bellevue pour y attendre sa démobilisation. Il y retrouve Charles Viannay. Ils inaugureront une clinique moderne à l'été 1919.
En Mars 1919, Duhamel est rappelé à Paris au Val-de-Grâce où il soigne les mutilés de la face, les célèbres "gueules cassées". Il est démobilisé quelques semaines plus tard.

CaA 31/1/2